A la veille d'un deuxième tour et des réunions de famille de fin d'année, j'éprouve le besoin de faire le point. De "poser" tout ce qui bouillonne en moi, provoqué par le coup de projecteur d'un premier tour des régionales, qui détourne l'attention de tous.
Les personnes qui vont m'entourer en cette fin d'année, et qui ont elles aussi besoin "d'exprimer" appartiennent à cette gauche intellectuelle, qui consacre beaucoup de temps à lire, discuter, commenter, et écouter les petites phrases que les uns et les autres s'envoient par médias interposés. Ce sont des "enfants de l'après-guerre", qui ont surtout connu la croissance, le progrès social et technologique, et n'ont jamais eu à se battre pour obtenir un job ou le conserver. Ils ont fait d'honnêtes carrières dans la fonction publique, et profitent d'une retraite agréable et douce, agrémentée de voyages lointains, de villégiatures au soleil. Ils se sont engagés auprès de comités de défense de la culture ici, ou du développement de leur commune là. Ils prônent la tolérance, l'écologie et le développement durable. Ils disent qu'ils ont peur de la montée du FN.
Ils se posent la question de l'utilité de leur vote. Certains même, n'iront peut-être même pas voter à ce second tour.
Et auront certainement des bonnes raisons. Déculpabilisantes.
Moi, je ne suis qu'une basique blonde, enfant de Mai 68. J'ai choisi de faire les études qui minimiseraient le risque de ne pas avoir de boulot à la sortie. Pas celles que mes envies me dictaient. J'ai grandi dans la crainte du chômage, de la Essdé-éfisation, j'ai changé de nombreuses fois de travail, de statut, de région, pour tenter de gommer toutes ces erreurs d'aiguillage et trouver enfin une voie dans laquelle je puisse apporter ce que je considère comme "ma pierre". Je vis dans une précarité qui peut me faire plonger "de l'autre côté " du jour au lendemain. Je ne suis pas préoccupée de mon prochain voyage à l'autre bout du monde, ou de trouver un sac de "marque" au meilleur prix. Je ne regarde pas la télé. Je ne suis même pas capable de citer le nom de 3 ministres du gouvernement actuel. J'ai mis plus d'un an à intégrer que Hollande était président.
Mais je sais combien de mes ancêtres sont morts pour faire appliquer la "déclaration des droits de l'homme et du citoyen". Je sais combien ont combattu et ont tout sacrifié pour qu'aujourd'hui, nous ayons le droit de vote. Entre autres droits. Je sais que c'est un luxe que bien d'autres nous envient. Je sais combien de femmes ont lutté pour que "pas seulement les hommes" puissent voter. Pour être reconnues comme autre chose que des pondeuses ménagères. Je sais combien les guerres pour "la souveraineté nationale" ont coûté de vies, de compromis économiques dont nous ayons toujours les conséquences et que si personne n'avait empêché Hitler de conquérir la France, le problème du vote ne se poserait pas aujourd'hui.
Je sais aussi que j'ai la chance de ne pas vivre dans un pays à liste unique, vote obligatoire et disparition mystérieuse en cas d'absence aux urnes.
Alors ne pas voter ce dimanche, alors que j'ai le choix des listes, qu'on me donne la possibilité de m'exprimer, ce serait comme de leur dire "j'en ai rien à foutre de vos luttes passées, de ce sang versé".
Tous les politiciens de gauche, de droite ou de milieu s'accordent à dire, depuis que le FN est devenu une menace significative pour leur petit confort et celui de leur "bande", qu'il représente une menace et qu'il faut "y faire barrage". Pour que des gens qui s'entredéchirent sur l'interprétation d'une "petite phrase" et ont vendu leur âme pour accéder à la potentialité du pouvoir soient d'accord sur ce point, c'est certainement qu'il y a une bonne raison.
Il n'y en a, selon l'expression consacrée, "aucun pour racheter l'autre". A quoi bon compter les casseroles, les filles cachées, les maîtresses et les cadavres dans les placards? A démontrer à sa femme, sa belle soeur, son cousin qu'il est un imbécile fini parce que "son camp" a fait pire que le vôtre? Ce serait plus simple de lui dire tout simplement non?
Alors, plutôt que de perdre mon temps en palabres, plutôt que de faire "comme eux", et de céder à la facilité de la critique de l'autre, j'ai agi.
J'ai secoué mon fils, dont jusqu'ici, je n'avais pas compris qu'il soit aussi préoccupé de s'inscrire sur les listes électorales, à l'approche de ses 18 ans. Il s'est débrouillé. A pris sur son temps de cours ou de loisir pour se rendre à la gendarmerie du coin et faire faire sa procuration. Je devrais la recevoir. Et ainsi contribuer à faire baisser l'abstention chez les 18-24 ans.
Et j'irai faire d'une pierre deux coups dimanche.
J'ai fait ma part.
Et vous?
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